La médiation d'affaires doit-elle se limiter à être le préambule du contentieux ?

| La médiation d'affaires doit-elle se limiter à être le préambule du contentieux ?

Dans l’esprit de certains praticiens, la place de la médiation d’affaires est regardée comme une sorte de passage obligé et de dernière chance de discussion amiable qui s’intercalerait juste avant le contentieux judiciaire ou arbitral, et à laquelle on se livrerait sans trop y croire. On a en tête l’image de la sortie d’autoroute, annoncée sur le panneau comme la dernière sortie avant péage…

Vue ainsi, cette médiation est un peu la punition déguisée, à laquelle on se range surtout par défaut afin que le dossier contentieux soit bien en ordre pour la mise en état devant le juge.

Cette lecture est et sera de plus ne plus dépassée car elle correspond de moins en moins aux attentes réelles des entreprises. D’une part la médiation n’est pas que l’antichambre du contentieux et d’autre part la crise issue du Covid-19 a d’ores et déjà des conséquences sur le comportement des entrepreneurs.

Prenons l’exemple le plus extrême, celui d’une dispute ancienne, ressassée à l’infini, dans laquelle les parties sont belles et bien enlisées. Les mérites et faiblesses des positions sont connus et ont été évalués avec les conseils. Des provisions ont dû être constituées, qui ne pourront rester éternellement en l’état. Des frais importants ont d’ores et déjà dû être supportés par chacune des parties, sans parler des coûts internes à la gestion du dossier, moins visibles, mais qui n’en sont pas moins réels. La lassitude s’est désormais installée. Dans notre exemple toujours, on imagine qu’une décision de première instance est déjà intervenue, éventuellement assortie sur tout ou partie de l’exécution provisoire, puis qu’un appel a été interjeté par une ou plusieurs parties, ne serait-ce qu’à titre conservatoire.

Tous les conseils savent que le vrai sujet risque de se placer alors sur le terrain de l’exécution de la décision, quand bien même assortie de l’exécution provisoire, la partie supposée perdante déployant généralement ses meilleurs efforts, et certains conseils toute leur créativité, pour retarder ou limiter cette exécution au mieux de leurs intérêts. Et ce indépendamment de l’incertitude judiciaire liée à la procédure pendante en appel.

Pourtant, dans notre exemple les conseils des parties ont toutes les cartes en mains pour convaincre leurs clients respectifs qu’une médiation pourrait se mettre en place afin d’évaluer si, avec l’aide d’un tiers médiateur et dans le cadre de discussions strictement confidentielles, un accord ne pourrait pas être trouvé pour une application même partielle de la décision du premier juge, voire sur une base corrigée sur laquelle tout le monde parviendrait à s’entendre. L’accord issu de la médiation serait cette fois accepté et mis en œuvre loyalement par toutes les parties. Tout le monde aurait à y gagner, y compris la partie qui s’estimait la plus satisfaite de la décision de première instance.

On voit donc que la médiation n’obéît à aucun calendrier particulier, qu’elle peut intervenir à tout moment pour autant que les parties le jugent alors opportun. C’est d’ailleurs là tout l’intérêt de la médiation. Elle peut même intervenir à nouveau, alors qu’une tentative précédente aurait échouée, et se dénouer avec succès dans le cadre d’une nouvelle session de médiation bien distincte de la précédente.

On ne peut pas non plus ignorer les conséquences de la survenance récente du Covid-19. Cette situation totalement imprévue, et dont l’issue est de nouveau incertaine, risque d’entrainer une impatience légitime des entreprises du fait de l’aggravation de l’encombrement des juridictions, alors que ces entreprises doivent dans le même temps faire face à des difficultés économiques nouvelles et souhaitent se libérer pour se concentrer au mieux sur leur cœur de métier. Plus que jamais le temps judiciaire risque de s’éloigner du temps des affaires, entrainant de fait chez les entrepreneurs une intolérance encore plus forte face à une absence de résolution rapide et raisonnée de leurs litiges d’affaires.