Covid-19 ou le danger d'une instrumentalisation pour renégocier au mieux une relation contractuelle
Quand l'effet d'aubaine se cache (parfois) au coin du bois... Et quand la médiation peut alors agir comme un excellent révélateur.
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Le Covid-19 a entraîné un ensemble de désordres économiques, juridiques et même judiciaires qui dans un certain nombre de cas justifient que des discussions amiables se mettent en place. La partie de bonne foi débitrice de l’obligation, et manifestement désavantagée par cette situation nouvelle et imprévue plus ou moins hors de son contrôle, est ainsi amenée à solliciter de son partenaire d’affaires le bénéfice d’aménagements et/ou de concessions.
Sur le plan purement juridique, le terrain du débat est connu des praticiens, il se situe pour l’essentiel autour de l’existence ou non de la force majeure et de l’imprévision au regard des dispositions contractuelles.
Mais pour certains débiteurs demandeurs à la renégociation, l’effet d’aubaine peut ne pas être totalement absent des esprits. C’est de ces cas-là dont nous voulons parler ici, en éliminant d’office le demandeur de parfaite mauvaise foi pour nous concentrer sur les cas où les intentions, bonnes et moins bonnes, se mélangent, situation qui va probablement concerner la majorité des demandes de renégociation.
Sur le plan pratique, quelle est alternative pour les parties ?
D’un côté, un contentieux qui sera très probablement long et qui reste de toute façon assez incertain. On ne peut en effet ignorer qu’il existe une incertitude quant aux positions que prendront in fine les juridictions sur les questions liées au Covid-19. En premier degré, des décisions d’espèce, qui risquent de se contredire, seront probablement prononcées avant qu’une jurisprudence lisible ne redescende des juridictions supérieures. Plus que jamais l’aléa judiciaire sera présent, et ce au moins pendant un certain temps, d’autant que l’encombrement des instances judiciaires s’est aggravé avec la crise.
Dans le même temps, les acteurs économiques exprimeront un besoin se situant à l’opposé de cet aléa : s’épargner toute dispersion d’énergie sur des sujets non-essentiels pour pouvoir se concentrer sur leur cœur de métier pendant la crise économique qui s’annonce. Plus que jamais dans la période difficile à venir, le temps et l’énergie gâchés vont devenir l’ennemi de l’entrepreneur. Et ce sans préjudice de la création de provisions comptables que réclameront les auditeurs.
La médiation est une alternative intéressante : si cette médiation est sérieuse et professionnelle, elle agira comme un vrai révélateur. Une partie de plus ou moins mauvaise foi ne résistera pas longtemps à des entretiens ex-parte confidentiels avec le médiateur. Il n’est pas question ici que le médiateur ne trahisse en quoi que ce soit le secret formel et absolu de ces entretiens, mais les choses étant rarement blanches ou noires – elles sont comme chacun sait le plus souvent grises - et si le médiateur fait bien son travail il amènera inévitablement la partie voulant renégocier la relation contractuelle à adopter une position raisonnable qui reflète au mieux mieux la part de gris, en renonçant à exagérer un possible effet d’aubaine.
Dans un contexte juridique et judiciairement incertain et qui le restera pour quelques temps encore, c’est une façon élégante de tourner la page et de permettre ainsi aux entrepreneurs de se concentrer sur leur cœur de métier. C’est aussi l’opportunité d’acquérir, et ce dans des conditions raisonnables, une sécurité juridique. Indépendamment d’une transaction et de ses effets juridiques propres, un juge éventuellement saisi ne pourrait totalement ignorer les efforts consentis par la ou les parties en les restituant dans leur contexte d’origine.
Mettre en œuvre sans attendre le processus d’une médiation d’affaires de haut niveau est dès lors une alternative intéressante pour solutionner un dossier pré-contentieux issu de la crise du Covid-19. A l’inverse, plus le temps s’écoulera, plus les efforts risqueront de devoir être conséquents pour pouvoir acquérir une éventuelle sécurité juridique.
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